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jeudi 28 juillet 2016




  Caro Diario  
Le cartable rouge




                                                                  L’école

                                            1956

J’ai six ans et papa prépare ma rentrée
« A la grande école ».
La première chose à faire en cette journée : acheter mon cartable.
Pas besoin d’aller bien loin, les Nouvelles Galeries sont à la porte de chez nous.
Papa m’achète un joli cartable en carton durci rouge, avec toute la panoplie indispensable.


L École, Ho !
Quel calvaire, mon chemin de croix.
La maîtresse a beau me dire que


Le m c’est trois ponts, et que le n n’a que deux
ponts,
Je ne le vois pas.
Mes copines, elles, comprennent.
Pour moi, c’est la Honte tous les jours.
Même, quand je sais écrire un mot, je me trompe,
j’inverse les lettres.
De retour à la maison, je dis à papa


Que je ne vois pas bien, que les lettres dansent
devant mes yeux,
Qu’elles jouent à cache-cache avec moi,
Que j’ai besoin de lunettes. Aussitôt dit, aussitôt
fait.
Nous allons chez le docteur, bien sûr, il me dit que
j’ai de très bons yeux.
Pour moi, le problème est toujours là,
Je n’ose plus en parler, et pourtant je voudrais que
quelqu’un m’aide,
Mais puisque le docteur a dit que j’ai rien aux
yeux…
Et la maîtresse ne m’aime pas et je ne l’aime pas
non plus.
De plus, quand elle parle de moi aux autres
maîtresses, elle dit la fille de la Gigi,
Et dans sa bouche je sens bien que c’est méchant.
Elle ne comprend pas mon souci avec les lettres, et
croit que je le fais exprès.
Je triche et copie sur les autres, pour ne pas me
faire mettre au piquet pendant la grammaire.
A la maison, un jour que j’avais un livre,
Maman m’a dit,
Alors que je tardais à l’aider dans la préparation du
repas :
« Pose ce livre fainéante ».
Je ne me le suis pas fait dire deux fois.
Et puis, ça m’arrangeait bien, de ne pas lire,
Car les lettres et les mots ne m’aimaient pas,
Alors moi non plus je ne les aimerai pas.
Je n’aime toujours pas lire, ni écrire.


J’ai toujours mon problème avec le m et n et les
lettres inversées ainsi que l’orthographe.
Mais maintenant je sais vivre avec
Et il y a le correcteur d’orthographe qui existe,
Word.



                                                                  Martine 1960














 
Retrouvez cette nouvelle dans "Des Mots pour mes Maux et souvenirs"

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